Parfois, à boire et à trop boire
Il faut savoir trinquer.
Je vais vous raconter l'histoire
D'un pauvre "Shangaïe"
Qui avait trop écouté et cru
La chanson des sirènes,
Un certain soir qu'il "était bu"
Au fond d'une taverne.

Quand le capitaine borgne entra
Dans l'auberge à matelots,
D'un coup de sabre il transperça
Le plus grand des tonneaux.
Il leur jeta des poignées d'or,
Le vin coulait à flots
Toutes les canailles du port
S'engagèrent sur le vaisseau.

Toulon était en ce temps là
Encore en quarantaine ;
Et la famine menaça
Au bout de trois semaines.
Tous les notables de la ville
Un soir se réunirent
Et déclarèrent unanimes
"Y'a trop de bouches à nourrir"

Le capitaine borgne leur dit
Du problème, j'ai la clé
Des derniers débarqués, pardi,
Faut s'en débarasser
Donnez-moi pouvoir et argent
Et je m'en chargerai
Firent armer un grand bâtiment
Et c'qui fut dit, fut fait.

Son oeil unique lui fsait du tort
Virant toujours tribord
Tournant perpétuellement en rond
En rade de Toulon
"C'est Ali qui a l'mauvais sort
J'tez le par dessus bord !"
Et la moitié des matelots
Hurlaient Ali à l'eau !!

Le Shangaïe entendant ça
Cria : "ne faites pas ça"
C'est le premier, mais croyez-moi
Chacun son tour viendra
C'est du capitaine négrier
Qu'il faut s'débarasser
Eclata une bataille rangée
Entre les deux bordées.

La bataille fut si acharnée
Que le vaisseau coula
Tout l'équipage périt noyé
Un seul en réchappa
Un Shangaïe qui n'écoute plus
La chanson des sirènes.
Les soirs où il est un peu "bu"
Dans le fond des tavernes.

Quand au capitaine borgne,depuis,
On n'en reparle plus.
Jamais personne ne le revit
Mais un jour on a su
Que le seul qui l'ai regretté
Disant je l'aimais tant,
C'était sans doute son seul ami :
Un gros requin gourmand.